Interview Ange Léonid Barry-Battesti (sG du FDFP)

Interview Ange Léonid Barry-Battesti (sG du FDFP)

Formation professionnelle / Ange Léonid Barry-Battesti (secrétaire général du FDFP) : ‘‘En 2020, nous avons remboursé 9,7 milliards de FCfa aux entreprises et cabinets de formation’’
Resté dans l’agonie pendant plusieurs années, le Fonds de développement de la formation professionnelle (FDFP) a pris un départ nouveau. Le secrétaire général explique les différentes actions qui ont concourues à son repositionnement.
Monsieur le secrétaire général, vous promettiez à votre nomination, en avril 2019, de faire du FDFP à l’horizon 2022 « une institution de référence en matière de financement de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’accroissement des compétences de l’ensemble de la population active ». Quel bilan à mi-parcours faites-vous de la réalisation de cette ambition ?

Après un an et demi, nous pouvons dresser un bilan encourageant de la réalisation de cette ambition. En effet, nous avons été présents à tous les rendez-vous importants de la formation professionnelle et de l’apprentissage, tant nationaux qu’internationaux. Le FDFP a renoué avec l’essentiel de ses partenaires et à fluidifier ses relations avec sa tutelle et toutes les structures du champ de la relation formation-emploi. La première année, en 2019, nous avons réalisé pratiquement 83% des objectifs annuels que nous nous sommes fixés. La seconde année, c’est-à-dire en 2020, malgré la Covid-19, nous avons atteint 74% de nos objectifs. De notre point de vue, ces résultats sont satisfaisants et démontrent que le FDFP a repris sa place en tant que structure du dispositif emploi-formation de l’État de Côte d’Ivoire.

En une année, vous avez remboursé près de 9 milliards de FCfa à vos partenaires, là où le FDFP avait du mal, depuis 2015, à payer ses factures. Quel est le secret d’un tel exploit ?

En 2019, nous avons réalisé exactement en remboursement aux cabinets et aux entreprises, 9 milliards de FCfa. En 2020, malgré la Covid, nous avons accru nos résultats et nous avons payé, aux cabinets et aux entreprises, 9,7 milliards de FCfa. C’est le résultat d’un engagement. Un engagement personnel mais également de toute l’équipe du Fdfp parce que nous avons réussi à motiver l’ensemble du personnel et à leur faire comprendre les enjeux auxquels nous devons répondre.

Dans quel état l’aviez-vous trouvé à votre prise de fonction ?

A notre prise de fonction, nous avions beaucoup d’arriérés de paiement ; nous avions une équipe démobilisée et un outil qui avait quelques difficultés. Sous l’impulsion du président du comité de gestion, le ministre Joël N’Guessan, nous avons entrepris de remobiliser le personnel et de remettre l’ensemble des équipes au travail. Les premiers résultats que nous vous donnons montrent bien que nous avons réussi ce pari, malgré l’impact de la Covid. Je voudrais m’incliner devant la mémoire d’un de nos agents qui a été emporté par cette maladie.

Concrètement, comment êtes-vous parvenus à relever ces défis ?

Pour y arriver, nous avons eu recours à des personnes extérieures, à des cabinets qui nous ont accompagné pour accroître notre capacité de travail. Vous imaginez que le FDFP, c’est 154 agents pour conduire les activités sur l’ensemble du territoire. Si nous devions nous contenter de remobiliser et de mettre au travail ces 154 agents, nous n’aurions jamais pu atteindre ces résultats. Nous avons fait preuve d’imagination. Nous avons donc contacté deux structures de référence pour nous accompagner dans le contrôle des actions de formation afin de fluidifier le paiement aux entreprises et cabinets de formation. Ces structures nous ont permis d’amplifier nos actions pour atteindre les chiffres que je communique. Au-delà, nous avons eu l’accord du Comité de gestion pour recruter 20 nouveaux agents, qui sont passés par un processus de formation et qui sont désormais sur le terrain afin de nous permettre d’accroître nos actions en direction des territoires. Pour être plus large sur les chiffres, pour l’année 2020, nous avons prévu, en termes de prestations aux usagers, de payer pour 22 milliards de FCfa. Sur l’ensemble des prestations, au titre de l’année 2020, nous avons payé 18,143 millions de FCfa. Vous comprenez que les 9,7 milliards représentent les prestations directes sur les plans de formation. D’autres prestations entrent en ligne de compte au profit des entreprises. Par exemple, en rapport avec la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), nous avons lancé un avis à manifestation d’intérêt pour accompagner les entreprises dans la stratégie de sortie de crise liée à la Covid- 19. Dans ce cadre, nous avons engagé pour 2, 884 milliards de FCfa. A ce stade de l’opération, nous sommes sur le point de décaisser 1,153 milliards de FCfa. Et ce, en nous focalisant sur notre métier qui concerne le renforcement des capacités et l’adéquation formation-emploi.

L’apprentissage est bien un pan de votre activité…

Effectivement, le développement de l’apprentissage fait partie de nos missions. A ce titre, le FDFP a opté pour le développement de l’apprentissage dans le secteur formel. C’est ainsi qu’au titre de l’année 2020, nous avons financé ces activités d’apprentissage à hauteur de 2,700 milliards de FCfa. C’est l’ensemble de ces points qui fait que nous sommes arrivés à des décaissements de l’ordre de 18,143 milliards de FCfa.

D’où tirez-vous ces fonds, quand on sait que les ressources du FDFP sont constituées de 1,2 % de la masse salariale des entreprises légalement constituées. Il se dit également que beaucoup d’entreprises ne cotisent pas.

Les ressources du FDFP proviennent essentiellement des cotisations des entreprises. C’est vrai que cette année, les entreprises ont connu quelques difficultés. La stratégie du gouvernement pour les accompagner prévoyait une suspension de trois mois de la collecte des taxes, y compris les cotisations FDFP. Après cette période, les cotisations des entreprises ont repris. Par ailleurs, il faut dire que pendant des années, nos budgets n’ont pas été totalement consommés. Ce qui a constitué des réserves. Au titre des budgets 2018 et 2020, nous avons intégré des réserves. Ce sont ces ressources, qui agrégées, nous permettent de fonctionner. Au-delà, nous avons une stratégie de recherche de ressources additionnelles en relation avec des partenaires techniques qui nous font confiance et qui nous mettent des ressources à disposition.

Vous accompagnez et financez des projets de non cotisants. C’est-à-dire, de groupe d’individus organisés. Quel est le procédé pour bénéficier de votre accompagnement ?

Le FDFP est implanté à Abidjan, mais également en territoire. Nous avons six antennes dans différents chefs-lieux de région. Notre action consiste à financer des projets de développement, des projets collectifs, avec des groupes de personnes, des entreprises et des associations de développement. Nous travaillons en synergie avec les collectivités décentralisées. Pour saisir le FDFP, il faut avoir un projet de développement qui intègre une composante formation. Le FDFP financera donc la partie formation, en s’assurant que l’un des partenaires finance les autres aspects tels que l’équipement.

Parlant de votre présence, vous avez promis rapprocher vos services des populations. Quel est votre niveau d’implantation au plan national ?

En ce moment, nous avons six antennes. Nous avons rouvert l’antenne de Man qui était fermée. La cérémonie solennelle a été présidée par le Premier ministre, Feu Amadou Gon Coulibaly. Sur recommandation du Comité de gestion, nous envisageons d’ouvrir d’autres bureaux qui vont nous permettre de renforcer notre proximité avec nos clients sur le terrain. Nous sommes donc présents à Bouaké dans la région de Gbêkê, Korhogo dans la région du Poro, Abengourou dans la région de l’Indénié-Djuablin, à San Pedro, Daloa dans la région du Haut Sassandra, Man dans la région du Tonkpi.

Vous faites beaucoup, mais les activités de votre structure sont mal connues ou méconnues du grand public. Quelle est votre stratégie pour donner une meilleure visibilité de vos activités ?

Notre stratégie repose d’abord sur le développement de notre axe de communication. C’est en cela que je salue la présence de Fraternité Matin, qui nous donne l’occasion de communiquer avec le grand public. Pendant plusieurs années, nous avons opté pour une communication axée sur nos clients cotisants. Les entreprises en particulier, puisque nos ressources proviennent d’elles. Le comité de gestion qui est composé de façon tripartite de l’État de Côte d’Ivoire, du patronat et des employeurs, a donné son accord pour qu’une partie des ressources soit utilisée pour financer les projets collectifs à destination des publics non cotisants. Raison pour laquelle nous sommes sortis de notre communication classique à l’endroit des entreprises, pour l’élargir notre champ d’intervention.

Quelle est la place du FDFP dans la problématique de l’emploi-jeune en Côte d’Ivoire ?

Le FDFP est un organisme de développement de la formation professionnelle. Nous sommes l’organisme chargé de définir, orienter et impulser la stratégie de formation professionnelle et d’apprentissage de l’État. En tant qu’organisme de développement, nous intervenons dans la relation emploi-formation par le renforcement des capacités des jeunes et par leur formation en réponse aux évolutions du milieu professionnel. Le champ d’intervention du FDFP concerne donc essentiellement la formation des personnes en situation d’emploi. Cependant, notre action s’étend à des publics non salariés pour le financement de projets structurants en territoire.

Comment se fait le choix des cabinets qui vous accompagnent ? Puisque certains parlent de copinage à ce niveau.

Les produits financés par le FDFP font intervenir plusieurs acteurs. Les bénéficiaires peuvent être des entreprises ou un groupe de personnes représentées par un promoteur, un opérateur de formation qui réalise la formation et le FDFP qui finance la formation. Jusqu’à très récemment, les cabinets de formation étaient choisis par les promoteurs et le mode d’attribution était le gré à gré. Depuis 2020, nous sommes entrés dans une logique de consultation restreinte. De sorte que le FDFP lance un avis à manifestation d’intérêt et sélectionne des cabinets sur la base de leur compétence et de leur capacité à répondre à l’offre des promoteurs. Nous fonctionnerons de moins en moins en mode de gré à gré pour une question de transparence et de bonne gouvernance. Ceux qui parlent de copinage ne connaissent pas les procédures du FDFP. C’est pour éviter toutes ces interprétations que nous avons introduit les consultations restreintes.

Quels sont les grands axes de vos actions pour la dernière ligne droite, 2021-2022 ?

On peut en citer trois. Il s’agit pour nous de renforcer la relation du FDFP avec sa tutelle, le patronat et les travailleurs, pour une meilleure prise en compte des attentes des partenaires sociaux en matière de développement de la formation professionnelle continue, de renforcer la collaboration avec les cabinets de formation dans une logique de qualité de l’offre et enfin de rechercher des ressources additionnelles pour accroître le champs d’intervention du FDFP.

Une entreprise qui n’est pas à jour de ses cotisations peut-elle bénéficier de vos prestations ?

A priori non. Mais nous regarderons les facteurs qui font qu’elle n’est pas à jour. Le FDFP est un fonds. En principe, pour en bénéficier, il faut participer à la constitution de ce fonds. Cependant, une entreprise qui a cotisé pendant plusieurs années et qui est en difficulté peut faire l’objet d’un accompagnement dans la mesure où cet accompagnement permettra une reprise de ses activités qui, à terme, entraînera une reprise des cotisations au FDFP. Sinon, une entreprise qui ne cotise pas ne peut bénéficier de nos prestations.

Par Marc Yevou